Le prix du pétrole, ce mystère

6 mars 2015 par Énergir dans Énergie
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L’or noir n’est plus aussi précieux qu’il l’était : en six mois, son prix a baissé de moitié ! D’où viennent ces fluctuations extrêmes, et peut-on prévoir les prochaines ? Les réponses tiennent autant à l’économie, à la politique, au marketing, qu’aux humeurs des diverses parties prenantes.

Après des pointes à plus de 100 $ en juin 2014, le baril de pétrole* a chuté à 45 $ durant l’hiver, pour se stabiliser autour de 50 $. Une dégringolade aussi brusque n’est pas sans conséquence, non seulement sur le prix des produits pétroliers, mais aussi sur le cours des devises, sur les marchés financiers, et donc sur l’ensemble de l’économie. En quelques mois à peine, les Canadiens ont vu chuter leur facture d’essence ou de mazout, mais ils ont aussi perdu leur pouvoir d’achat lorsqu’ils achètent ou voyagent aux États-Unis.

Hélas, nul ne peut prédire ces mouvements de prix ni leur durée. À défaut de posséder une boule de cristal, les humeurs du pétrole sont aussi impénétrables que sa robe. Contrairement au gaz naturel, dont les prix sont relativement stables et devraient rester bas à long terme, les tarifs des produits pétroliers peuvent remonter à tout moment.

L’offre et la demande

Les économistes ont identifié certains facteurs clés qui influencent le cours du baril.

D’abord, la croissance mondiale s’essouffle. La Chine et les pays émergents traversent un ralentissement, tandis que l’Europe continue de stagner. Résultat : la croissance de la demande ralentit. Le pétrole se vend toujours, mais moins que ce qui avait été anticipé. Rien de bon pour soutenir les prix en bourse.

Du côté de l’offre, la production s’est accrue. Les progrès technologiques ont permis d’exploiter de nouveaux types de gisements en Amérique du Nord, notamment dans les schistes et les sables bitumineux. Entre 2009 et 2014, l’offre américaine est passée de cinq à neuf millions de barils par jour !

Principe économique de base : lorsque l’offre dépasse la demande, les prix baissent. D’où la diminution du prix du baril à la fin de l’été 2014. Mais ce mécanisme économique n’est pas suffisant pour expliquer l’ampleur de la chute qui a suivi.

Dans un marché idéal, on aurait pu réduire l’offre pour équilibrer les prix ; en d’autres termes, il aurait suffi de fermer un peu le robinet pour ajuster le flux de pétrole sur le marché. Mais celui-ci est soumis à des enjeux qui dépassent la simple plomberie.

D’abord, les nouvelles formes d’exploitation nord-américaines coûtent cher, et les cycles d’investissement sont très longs entre l’exploration, l’extraction et le transport. Tant que le pétrole approchait les 100 $ le baril, ce n’était pas un problème ; quand les prix ont baissé, le rendement est devenu beaucoup moins attrayant pour les producteurs. Ils ont abandonné leurs projets, mais doivent mener à terme ceux qu’ils ont entamés, ce qui les empêche de réduire leurs coûts rapidement en réaction à la chute des prix.

Mais l’explication est encore incomplète.

Rude concurrence

Pendant que les producteurs nord-américains tentaient d’amoindrir le choc, leurs homologues de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) n’ont rien fait pour les aider.

Au lieu de diminuer les quotas de production de ses membres, l’OPEP est restée les bras croisés. Son leader historique, l’Arabie saoudite, a expliqué que les prix élevés encourageaient indument la production de pétrole coûteux, au détriment des gisements conventionnels comme les siens. En refusant de réduire sa production, elle maintient les prix à un niveau qui empêche les producteurs nord-américains d’investir dans de nouveaux projets. Elle conserve ainsi les parts de marché récemment perdues lorsque le pétrole avoisinait les trois chiffres.

Quel prix pour 2015 ?

L’Arabie saoudite a clairement indiqué qu’elle ne voulait pas voir à nouveau le prix du baril à 100 $. Le pétrole des sables et schistes bitumineux coûte en moyenne 75 $ à produire ; en deçà de ce prix, le marché n’est plus accessible aux nouveaux joueurs.

Les calculs de l’OPEP n’empêchent pas d’autres facteurs d’influencer les prix. La situation actuelle bouleverse l’équilibre économique mondial, notamment dans certains pays producteurs qui n’ont pas les mêmes assises financières que l’Arabie saoudite. Par exemple, l’économie de la Russie est déjà durement touchée. Et puis, il y a l’humeur des marchés boursiers, notoirement capricieux.

Alors, jusqu’où ira la chute ? Certains analystes disent que le pétrole a atteint son prix le plus bas, et qu’il va rapidement remonter pour se stabiliser d’ici la fin 2015. Mais encore une fois, bien malin qui peut entrevoir l’avenir. Une chose est sûre : les bas prix de l’essence et du mazout ne sont que temporaires, et l’aubaine pourrait disparaitre aussi vite qu’elle est apparue !

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* Les prix mentionnés font référence aux cours des deux bruts habituellement suivis par des économistes canadiens, soit le West Texas Intermediate – WTI (États-Unis) et le Brent Blend (Europe).

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