Par Hugo Séguin, conseiller principal, COPTICOM, et Fellow au Cérium de l’Université de Montréal
La Conférence de Glasgow sur le climat qui se déroule ces jours-ci est la plus importante depuis celle de Paris en 2015. Alors que les changements climatiques s’aggravent, tous sont appelés à augmenter leurs efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et limiter les dégâts.
Riche en engagements de toutes sortes, la COP26 accélère une transition déjà bien enclenchée vers la décarbonisation. La question est de savoir si cette transition se fera assez rapidement pour éviter la catastrophe.
L’enjeu de la COP26 : limiter la hausse des températures à 1,5 °C
Selon les meilleures connaissances scientifiques, la température du globe s’est réchauffée de 1,1 °C depuis 1850 et la responsabilité humaine dans ce réchauffement est « sans équivoque ». Déjà, à ce niveau, se multiplient les vagues de chaleur, les sécheresses, les feux de forêt et les cyclones tropicaux. Dans l’état actuel des choses, la hausse des températures pourrait atteindre 2,7 °C au cours du siècle, ce qui serait catastrophique.
L’Accord de Paris vise précisément à contenir cette hausse à 1,5 °C par une réduction rapide des émissions de GES. L’Accord exige de chacun des États qu’il prenne un engagement de réductions des émissions et déploie les moyens de le respecter. Il précise aussi que chacun doit bonifier son engagement tous les cinq ans. La Conférence de Glasgow marque cette première période de cinq ans.
Un feu d’artifice d’engagements climatiques à Glasgow
La semaine dernière, plus de 120 pays avaient ainsi déposé leurs engagements de réduction à l’horizon 2030. La très grande majorité des pays industrialisés s’est engagé à devenir carboneutre d’ici 2050, la Chine et l’Inde visant entre 2060 et 2070. Ces engagements – s’ils étaient mis en œuvre rapidement – permettraient de réduire substantiellement le réchauffement, peut-être même en-deçà de 2 °C. Mais nous en sommes encore très loin.
En matière de financement, les pays industrialisés ont finalement réussi à réunir, avec un an ou deux de retard, la somme de 100 G$ par année promise aux pays les plus vulnérables sous la forme de fonds publics, privés et mixtes. La plupart des pays industrialisés ont ainsi doublé leurs contributions, le Québec contribuant même 10M$ au Fonds d’adaptation.
Une accélération de la transition dans le domaine de l’énergie
La transformation rapide du secteur de l’énergie est l’une des clefs de la lutte aux changements climatiques. Selon plusieurs scénarios, cette transformation doit passer par l’électrification de plus en plus rapide de l’ensemble des usages, par un meilleur contrôle de la consommation d’énergie et par le recours presque total aux énergies renouvelables d’ici 2050 (voir Tableau suivant).

De très nombreux engagements stimulent l’action dans cette direction, y compris en matière de restrictions sévères au développement des carburants fossiles.
- Le Global Methane Pledge, auquel une centaine de pays ont déjà adhéré, vise une réduction minimale de 30% des émissions de méthane d’ici 2030, le Canada y allant même d’un engagement de -75% d’ici 2030. Cette annonce est de nature à freiner fortement le réchauffement, le méthane étant un des GES les plus puissants à court terme.
- Les pays du G20 se sont ainsi engagés à ne plus financer de projets de centrales électriques au charbon à l’étranger. De nombreux autres pays se sont engagés à abandonner, à terme, l’utilisation de centrales thermiques au charbon, dont la Pologne, l’Indonésie, l’Ukraine et le Vietnam, de gros consommateurs.
- D’autres engagements visent les autres formes de carburants fossiles. Ainsi, les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Union européenne, le Canada et plusieurs autres ont pris l’engagement de ne plus financer aucun projet gazier, charbonnier ou pétrolier à l’étranger qui ne serait pas carboneutre à partir de la fin 2022.
- Sous le leadership de Mark Carney, ancien gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre, des centaines d’institutions financières, détenant quelque 130 000 G$ d’actifs sous gestion (dont la Caisse de dépôts et placements du Québec) ont pris des engagements de carboneutralité et de réduction rapide de l’empreinte carbone de leurs portefeuilles.
- Et signe des temps, des annonces musclées restructurent tout le secteur, comme celle du Québec d’interdire l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures et celle du Canada de plafonner et réduire les émissions du pétrole et du gaz pour atteindre la carboneutralité.
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Mais la partie n’est pas gagnée. La Chine, l’Inde et la Russie, entre autres, bien qu’actifs sur d’autres plans, n’ont pas (encore ?) adhéré à plusieurs déclarations portant sur l’utilisation des carburants fossiles. La Conférence n’a pas encore réussi à refermer l’écart pour limiter la hausse de la température à 1,5 °C. Et il y a loin entre des engagements et leur mise en œuvre sur le terrain.
N’empêche, le feu d’artifice de Glasgow nous rappelle que nous sommes engagés dans une transition énergétique rapide vers un tout nouveau système énergétique. La vraie question est de savoir si cette transition s’effectuera assez rapidement pour éviter une catastrophe.
